Denis Dubourdieu n'est plus ... Ce scientifique du vin émérite avait une sensibilité qui ravssait tous ceux qui ont eu la chance de l'approcher. Au-delà de ses nombreux succès, j'aimais particulièrement l'épicurien qui savait mettre en saveurs trois oeufs et une truffe en improvisant de la plus belle des façons. Mon dernier dîner avec lui, le 26 décembre 2014 fut un modèle du genre autour des millésimes glorieux de son château Doisy Daene, celui de son enfance.
Ah les calcaires de Barsac, ils sont divins pour assurer aux vins fraîcheur et longévité comme sur ce 1924 aux flaveurs d'orange confite et de havane témoignage du premier millésime du grand-père Georges Dubourdieu qui venait d'acheter la propriété.
Le Doisy 1943 réalisé sous l'occupation arbore une magnifique robe acajou avec des reflets très purs. Le nez mêle, le coing, l'orange confite, le tabac blond et les épices. En bouche l'attaque se révèle ample avec une suite toute en vivacité vibrante, le vin ruiselle en bouche, c'est là la véritable ADN du cru.
Le 1971 aux accents de miel de sarrasin et de laurier apparaît d'une grand jeunesse.
Le 2003 constitue une merveille d'équilibre avec son nez de mirabelle et de jasmin, l'attaque ample soyeuse se prolonge tout en délicatesse, le vin s'étire bien avec une finale montante sur l'abricot et la violette.
Le 2004 ouvre sur un nez d'abricot et de tabac blond; la bouche élégante présente une belle alllonge serrée et une finale qui ruisselle avec grâce pour s'achever sur la verveine.
Plus en onctuosité le 2005 possède un sacré potentiel.
Le 2006 est déjà très bon avec ses flaveurs de bois de santal et de safran; l' attaque en nervosité et en miel offre le grand de la maison avec une finale de mirabelle et une touche de fruits confits.
On change de registre sur le 2008 avec un nez qui est l'antithèse du 2006 : on est sur le zeste de pamplemousse; le vin s'étire en tension, il se termine sur une fraîcheur abricotée et saline. Il fera un centenaire !
Le 2009 est merveilleux, il fleure bon l'abricot rôti avec une touche de poire et de mirabelle, il y a de la volupté et un Irrésistible.
Le 2010 incarne la perfection puisqu'il est la synthèse du 2008 et 2009.
Le 2011 est également un sacré millésime. On est sur des fruits confits avec un milieu de bouche serré et dense, et une finale rayonnante éblouissante qui débouche sur un festival aromatique.
Le 2012 ne fait pas partie des petits millésimes : son nez de raisin secs et d'agrumes séduit et la bouche ruisselle de la plus belle des façons, c'est un pur régal !
A table :
Lorsque l'on essaie de mettre ces millésimes à table le 2011 offre sa richesse flamboyante sur une soupe de potimarron. En rajoutant un peu de poivre baies roses, l'accord frise la perfection. Le 2008 pour sa part possède ses défenseurs car il réveille la soupe. Sa finale saline va naturellement vers le homard grillé. Sur la brouillade à la truffe d'Alba, le 2006 possède l'énergie suffisante pour amadouer le divin tubercule. Etonnant de jeunesse le 1943 fait la courte échelle à un vieux gouda et le 1924 permet de basculer allègrement vers une aube radieuse.