Ma dégustation de l'année
Initié par René Lusseau, ex-mentor technique de Ducru-Beaucaillou, le repas des Maîtres de chai , baptisé club des fines papilles,réunit le gratin des châteaux bordelais; les invitations se font sous le manteau, et l’on doit sortir ses quartiers de noblesse en cabernet sauvignon et merlot.
Les agapes durent sept heures, et tous les tanins distingués sont au rendez vous.
Cette manifestation est l'une des plus savoureuses du monde du vin.
Elle peut convertir tous les non-buvants de la planète. Un parterre d’initiés use sans modération le pied de leur verre. On capte les fragrances des grands crus classés et des meilleurs bourgeois, cela aimante le palais et vous met la bouche en fête pour le reste de l’année. Maître René anime l’assemblée avec une fantaisie inégalée. Aussi vif qu’un joueur de trompette, il scande chaque cru avant le service : l’apéritif débute avec un très beau Carbonnieux blanc 2008 aux accents de pêche, d'agrumes avec une trame élégante et gourmande en bouche servi par le maître des lieux Philibert Perrin, ravi d'accueillir cette année tous ces disciples du Médoc .....
Au ballet des grands Sauternes le Château Yquem 1997 nous démontre l'immense potentiel de ce millésime mythique. Le Rieussec 2007 bouleverse par sa pureté de fruit, sa liqueur bien soutenue par une légère tension et sa finale fraîche de grand style. Par gourmandise j'ai gardé cette bouteille à ma table, elle a joué avec un égal bonheur sur le foie gras chaud poêlé sur des pêches confites, sur des ris de veau et sur le canard aux pêches, bien mis en saveurs par Xavier Vidou. Sur le filet de boeuf en croûte fondant à souhait,on assiste au jeu des grands Médoc.
Sur la cinquantaine de crus proposés, le Ducru 2006 domine les vins de ce millésime avec un tanin long et épicé, enrobé juste ce qu'il faut. En 2004, Meyney émerge grâce à sa charpente de bonne densité, Issan est tout en grâce, Poyferré se révèle magnifique et Mouton Rothschild offre son moelleux de texture. Plus droit et délicieusement épicé Pichon Baron est mon préféré, par deux fois je retends mon verre et la troisième fois j'ai droit au 1989 dont les accents de tabac et le tanin long, racé et épicé réjouit autant le coeur que l'esprit.
Le millésime 2003 offre trop d'accents de cuir et de cuit, seuls Pez et Grand-Puy-Lacoste tirent leur épingle.
J'aime beaucoup le 2002 de ce grand cru de Pauillac qui se goûte parfaitement, comme le Montrose ou le Lynch Bages. Le 2001 voit émerger un Saint-Pierre enveloppant, un Latour classique et un délicieux Rauzan-Ségla aux flaveurs florales et épicées. Le 1998 offre un trio majeur avec un Duhart vigoureux et précis, un Haut-Brion dense et soyeux émergeant dans le verre au bout d'une heure.
Le Lafite-Rothschild est pur, précis,noblement poivré, la texture est d'une étoffe sublime. Mes compagnons de libations, Michel Desroches, sommelier dans les grandes maisons, et Maurice Garnier, cénobite de Malicornay proposent un repli stratégique sur le caveau de Carbonnieux où chacun rêve de futures agapes autour de vieux millésimes à faire pâlir l'ami François Audouze ...